Certains piquent, bourdonnent ou viennent siffler à vos oreilles quand d’autres vous font carrément frémir… vous l’avez ?

A l’occasion d’Halloween, Galerie Pénélope vous invite à (re)découvrir son unique, précieuse et éthique sélection entomologique, dans laquelle les invités « relous » de l’automne ornent les plus ravissantes pièces de joaillerie. La mission que l’on s’est choisie ? Vous rendre les insectes aussi irrésistibles que des pierres fines et précieuses !
Du XIXe siècle, plus vrais que nature montés en trembleuse (c’est-à-dire sur une monture faisant ressort de façon à tressauter au moindre mouvement) à l’Art Nouveau durant lequel libellules et autres créatures anthropomorphes prenaient vie entre leurs mains, les insectes furent parmi les sujets de prédilection des joailliers.

Le saviez-vous ? On retrouve un peu la même idée dans l’histoire de la peinture, avec la « Musca depicta » ou mouche peinte. Dans ses Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes Vasari raconte que Giotto, alors apprenti dans l’atelier de l’artiste Cimabue, peignit un jour une mouche si réaliste que le maître tenta de la chasser du tableau. L’insecte devint dès lors le symbole de la faculté de la peinture à imiter le réel au point de tromper les sens.
Personnification également de la tentation du péché, la mouche peut aussi illustrer le caractère éphémère de la vie. Des thèmes que l’on retrouve au XVIIe siècle dans les Vanités, une catégorie de natures-mortes moralisatrices. Notre article Noir c’est noir vous plongera dans leur ambiance « Souviens-toi l’Eté dernier que tu vas mourir ». Cela fera des anecdotes à raconter à votre soirée déguisée et rassurez-vous, on y parle largement de princes et de bijoux !

Frans van der Mijn, A Lady in a Landscape with a Fly on Her Shoulder: an Allegory of Touch, 1742, Collection privée.
La mouche a toujours ce rôle de trompe-l’œil dans le tableau ci-dessus, mais cette fois doublé de la réjouissante coquinerie de la peinture rococo. On laisse à votre imagination ce que le peintre a envie de toucher. Spoiler alert : pas la mouche. Mais après tout, c’est aussi le mois d’Octobre rose.
Pour les plus joueurs d’entre vous, une « musca depicta » (mouche peinte) se cache dans un tableau reproduit dans l’un de nos articles sur la couleur. Bleu, jaune, orange, vert, rouge, violet, rose, noir, blanc… Saurez-vous la retrouver ?
Quant au voyage vers le bijou entomologique, il commence dès l’ère mérovingienne (Ve siècle après J.-C.). Mais aussi passionnante soit l’histoire de la joaillerie, chacun ses époques de prédilection et chez Galerie Pénélope vous le savez, le XIXe fait davantage partie de nos terrains de jeux. Bienvenue, donc, dans notre cabinet de curiosités !
Le XIXe : un siècle bourdonnant

Broche ancienne abeille œil de tigre et diamants
Décorant les demeures impériales, brodée d’or sur le manteau du Sacre ou ornant le drapeau de l’île d’Elbe, l’abeille est indissociable de Napoléon Ier. Mais pourquoi l’empereur, dont la mégalomanie n’est un secret pour personne, avait choisi l’insecte plutôt qu’un animal qui en impose ? Bon, c’est vrai qu’il avait aussi l’aigle pour emblème : on te reconnaît bien là « Boney ».

Jacques-Louis David, Le Sacre de l'Empereur Napoléon Ier et couronnement de l'Impératrice Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804 [Détail], 1805-1807, Paris, Musée du Louvre.
En 1804, la proclamation de l’Empire induit le retour d’une vie de Cour fastueuse. Napoléon doit afficher sa splendeur en se choisissant des symboles qui le distinguent de la Monarchie des Bourbons, afin de faire la même chose, mais différemment. Et notre abeille, donc, créée un lien symbolique avec une royauté bien plus ancienne : celle des Mérovingiens. Surprise ! (Non). Il semblerait que les Francs se faisaient enterrer avec leurs bijoux. Grâce à cela, pas moins de 300 abeilles en or et grenat furent découvertes en 1653 dans la tombe de Childéric (le père de Clovis) décédé en 481 – on vous renvoie à vos cours de collège. On suppose qu’elles étaient cousues à ses vêtements. Éparpillées au XVIIe siècle, une trentaine furent offertes à Louis XIV, pour la plupart volées en 1831 au Cabinet des Médailles. Deux sont parvenues jusqu’à nous dont l’exemplaire ci-dessous.
Le saviez-vous ? Tout comme la perle de la jeune fille du tableau de Vermeer, certains historiens remettent en question le fait qu’il s’agisse d’une abeille, penchant plutôt pour une cigale. Des cigales au Palais des Tuileries… et pourquoi pas ?

« Abeille », Tête et thorax en or, ailes incrustées de grenats, décor en grènetis sur le bord de l’abdomen, Avant 482, Paris, Bibliothèque Nationale de France.
Au-delà des abeilles, ce sont les mouches, les araignées, les papillons, les scarabées, les sauterelles et les libellules qui au fil du XIXe se parent de pierres multicolores. Une tendance qui verra son apogée dans les années 1860 et perdurera jusqu’au début du XXe siècle.
On retrouve alors nos insectes précieux (et arachnées, pour les puristes) sur des broches portées aléatoirement sur le corsage, les manches, les épaules et encore piquées dans les cheveux, sur les voiles de dentelle ou enfin les charlottes. Une mode venue a priori d’Angleterre : dans notre article « Bijoux et sport » (partie 1), on vous en apprend plus sur les « Novelties », ces broches et épingles marquant le goût d’une nouvelle époque pour des motifs plus naïfs et frivoles inspirés de la vie quotidienne.
Ceci étant, la pudibonderie victorienne (dans laquelle on suggère ses émotions et sa personnalité plutôt que de les exprimer) n’est pas loin ! Votre cœur palpite ? Offrez un bijou de sentiment à l’être aimé. Vous avez perdu une personne chère ? Dites votre peine avec un bijou de deuil. Si on avait l’esprit mal placé, on jurerait qu’il s’agit de Marketing avant la lettre. N’est-ce pas Victoria ?

A l’instar du langage des fleurs, les insectes au XIXe possèdent une symbolique cachée. Tandis que l’abeille représente le travail, l’ordre et la fidélité, le papillon l’inconstance, le scarabée le mystère et l’exotisme, la mouche, elle, trahit la coquetterie.
Par ailleurs, de profondes transformations interviennent dans la société occidentale du XIXe, à travers notamment les avancées en sciences naturelles et le développement des voyages. L’expansion des Colonies offre également aux Occidentaux le pouvoir d’importer des insectes plus inédits et fascinants les uns que les autres.
Le tableau de Sargent ci-dessous illustre bien l’engouement de l’époque pour l’exotisme : la robe de l’actrice incarnant Lady Macbeth est entièrement brodée d’élytres, des pièces de carapaces iridescentes protégeant les ailes des sternocera (famille des coléoptères). Chez Galerie Pénélope, on n’imagine pas meilleur costume pour Halloween ! Et pour la couronne, on a ce qu’il vous faut : nos bijoux de tête.

John Singer Sargent, Ellen Terry as Lady Macbeth, 1889, Londres, Tate Britain.
Corail, nacre, écaille, dents… on ne peut pas dire non plus que le bijou soit en reste quant à l’utilisation de matières organiques. Si le sujet vous intéresse, on y a consacré un article à découvrir dans notre journal.
Mais s’il est une civilisation qui sans nul doute fascine, et que l’on retrouve en leitmotiv dans l’histoire du bijou des XIXe et XXe siècles, c’est l’Égypte des pharaons.
Egyptomanie, de Napoléon à Elisabeth Taylor
Certains motifs de l’Égypte antique, au-delà de leur caractère décoratif, possédaient également des vertus protectrices : tandis que le serpent et le scorpion étaient réputés pour éloigner les mauvais esprits, le faucon préservait de l’adversité et le scarabée protégeait pour l’éternité. Ce dernier était d’ailleurs l’amulette la plus fréquente à l’époque pharaonique.
On en profite pour vous (re)partager cet incroyable bijou de tête orné de cinq scarabées véritables, symbole de l’Egyptomanie du XIXe siècle. Egypto…kézako ?

Peigne scarabée ancien, diadème Egyptomania
De nombreux évènements liés à l’Égypte antique vont jalonner le XIXe puis le XXe siècles, avec pour point de départ la campagne de Napoléon (1789-1801) ainsi que l’ouvrage de Dominique Vivant Denon Voyage dans la Basse et la Haute Égypte (1802). L’Égypte devint dès lors une source d’inspiration et de fantasmes pour l’Europe occidentale.
Bonaparte lui-même succomba à cette tendance puisqu’il offrit à Marie Walewska, l’une de ses maîtresses, une bague en forme de scarabée fabriquée à partir d’un éclat du boulet de canon qui tua son cheval à la bataille de Dresde en 1813. Un bijou qui fait écho à notre rare pendentif sentimental de la Première Guerre mondiale orné en son centre d’un projectile d’arme à feu.

Pendentif Grande Guerre or jaune et douille
La passion de l’Europe occidentale pour l’Égypte fut par ailleurs renforcée dans les années 1820 avec le déchiffrage des hiéroglyphes par Champollion, puis l’érection de l’obélisque de la Concorde à Paris en 1836. Toujours au XIXe, la publication des travaux d’Auguste Mariette sur ses découvertes dans la Vallée du Nil ainsi que l’inauguration du Canal de Suez en 1869 relancèrent l’engouement Égyptien.
Il en sera de même au XXe siècle avec d’une part la découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922, en pleine période Art Déco, et d’autre part la sortie du film hollywoodien Cléopâtre en 1963 avec Elizabeth Taylor dans le rôle de la reine d’Égypte.
Autant de prétextes à l’utilisation de scarabées dans la joaillerie. En turquoise, en émail ou en lapis-lazuli, ouvrez l’œil car ils sont nombreux à se dissimuler parmi nos bijoux anciens. Contrairement au momies, l’Egyptomanie, elle, n’a pas pris une ride !


Médaillon ancien Scarabée Lapis-lazuli Diamants et Perles
L'Art Nouveau : la joaillerie qui donne des ailes
Après nos broches « Novelties » des années 1860, les insectes demeurèrent sur le devant de la scène notamment sous le Second Empire. Les joailliers faisaient alors la part belle aux diamants montés en tremblant, renforçant le réalisme des motifs naturalistes. On les retrouva également à la « girly » Belle Époque durant laquelle rubans, motifs floraux, fruits et insectes se côtoyaient joyeusement. Les abeilles butinant des fleurs et les papillons étaient par exemple très appréciés.

Coulant de sautoir Papillon Art Nouveau
Mais l’on ne pouvait terminer cet article sans parler de l’Art Nouveau, un thème qui revient relativement souvent dans notre journal. Pour le contexte historique n’hésitez pas à consulter l’Histoire du Bijou – Le XXe siècle (partie 1) ; on en parle aussi dans l’opale et la topaze.
En réaction à l’industrialisation et aspirant à bousculer les codes (exit les historicismes et l’hégémonie du diamant), les bijoutiers Art Nouveau revendiquent le fait que la valeur d’un bijou réside dans son design et non dans les matériaux utilisés pour sa réalisation. René Lalique, parmi les joailliers les plus renommés du mouvement, mélange allègrement l’or, la corne, le verre, l’opale ou encore l’émail au service de ses idées. Qu’ils soient fabriqués avec le sens du détail de l’entomologiste, ou stylisés selon le bon vouloir de leur créateur, les bijoux Art Nouveau renouent avec l’artisanat d’art.

Bracelet Art Nouveau Arnould en Or jaune
La nature reste la source d’inspiration première, mais elle est désormais fantasmée, stylisée : on ne se contente plus de la représenter.
Sous l’influence des estampes japonaises que l’on découvre alors, on tente désormais de saisir la grâce du vivant au moyen de lignes courbes. Et les insectes, papillons, guêpes, libellules, par leur diversité et leurs qualités intrinsèques vont constituer des motifs de choix pour les joailliers de l’époque. Par exemple, les ailes des libellules et des papillons se prêtent parfaitement à l’émail plique-à-jour, qui permet la réalisation d’aplats de couleur tout en transparence.
Parfois aussi, de l’imagination des bijoutiers naissent des créatures anthropomorphes, femme-fleur, femme-libellule ; « gracieuse créature nageant ou s’envolant dans un léger tourbillon de lignes sinueuses. » (Lanllier Jean & Pini Marie-Anne, Cinq siècles de joaillerie en Occident.)

Bague Libellule opales style Art Nouveau émail
Finalement, les bijoux entomologiques, même pas peur, non ?
On ne sait pas si à l’issue de cette lecture vous aurez envie de couvrir vos cheveux et l’entour de votre cou de nos insectes précieux, mais on aura rempli notre mission si on a pu vous transmettre un peu de notre passion pour les bijoux anciens, uniques et éthiques.