Le mot «bijou» apparaît au XVe siècle. Il est emprunté au breton bizou qui veut dire «anneau pour le doigt». Trop mignon, non ?
L’histoire de la bijouterie-joaillerie, quant à elle, remonte à la Préhistoire avec les premiers ornements en matières organiques : coquillages, os et dents d’animaux sont collectés et transformés en parure.
L’orfèvrerie (c’est-à-dire l’art de fabriquer des objets en or) apparaît pour sa part dans l’Antiquité.
On ne compte pas remonter sept mille ans d’histoire, mais on avait envie de dresser un panorama de la bijouterie-joaillerie afin de vous aider à y voir plus clair. Une fois n’est pas coutume, on commence par le plus récent… Bienvenue au XXe siècle ! 😉
La Belle Époque – 1895-1914
La Mode Pratique, No. 754, Rijksmuseum, Amsterdam, 1907.
Le style « Belle Époque » se développe à partir de la fin du XIXe siècle. L’expression est d’ailleurs née rétrospectivement, vers 1920, afin de caractériser les années prospères entre la crise économique des années 1880 et la Première Guerre Mondiale. Il s’agit de la pleine période de la Révolution Industrielle, une époque florissante marquée par les progrès économiques, techniques et sociaux ainsi qu’une relative insouciance.
On parle de style édouardien de l’autre côté de la Manche, en référence à Édouard VII. Un roi dit « de transition » car il n’a régné que neuf ans, entre 1901 et 1910, après avoir attendu son tour près de 60 ans. Depuis, l’actuel Prince de Galles l’a battu : il peut espérer monter sur le trône depuis 64 ans. L’expression « Faire comme Charles » n’a jamais été aussi vraie ! S’il avait su, il aurait sans doute épousé Camilla plus tôt... En tout cas, Édouard VII encourage une mode gaie et fantasque mais pas dévergondée, à son image : le roi est identiquement connu pour ses qualités de pacificateur que pour sa réputation de playboy.
Les ornements Belle Époque tirent leur inspiration des Arts Décoratifs du XVIIIe siècle et plus précisément du style rococo. Ceux de Marie-Antoinette sont un bon échantillon de bijoux inspirationnels : on pense par exemple au pendant en diamants en forme de nœud retenant une perle baroque vendu par Sotheby’s en 2018.
On a dit nœud ? Oui ! L’essence de ce style est hyper « girly » (n’y voyez rien de péjoratif) : motifs inspirés de la flore, rubans, pompons, nœuds ; on parle également de « style guirlande ». Les bijoux sont souvent transformables afin d’être portés en plusieurs occasions. C’est aussi la grande période des montages « en tremblant », à savoir ; les motifs sont disposés sur ressort de manière à provoquer leur mouvement et donner une impression de vie (et tant qu’à faire, faire briller de mille feux les diamants qui ornent très souvent ces dessins floraux).
En résultent des bijoux délicats, qui doivent aussi leur finesse au platine dont l’utilisation se démocratise (on le retrouvera également plus tard sur les montures Art Déco). Possédant des qualités intrinsèques de résistance à la chaleur et d’élasticité, il remplace l’argent – qui était jusque-là utilisé pour sertir les pierres – et permet d’alléger les montures, mettant ainsi les gemmes davantage en valeur.
Un autre point de repère pour dater un bijou Belle Epoque est le serti grains, millegrains ou pavé consistant en une juxtaposition de billes de métal, typique de cette période.
Par ailleurs la perle fine est l’un des fleurons de l’époque. On a parlé des perles baroques plus haut, en forme de poire ; mais ces dernières sont aussi portées en sautoir, en négligé, en bayadère ou en collier de chien. Enfin, on note une omniprésence du diamant – à cette période, les mines d’Afrique du Sud découvertes au milieu du XIXe représentent une nouvelle manne, les gisements indiens historiques s’étant épuisés. Et puis, l’association perles-diamants fonctionne assez bien, toute en délicatesse et tellement XVIIIe !
Prêt-e-s pour notre sélection ? Et si vous voulez en savoir encore plus, rendez-vous sur l’article dédié !
L’Art Nouveau – 1895-1910
Alfons Mucha, Dance [Four Arts Cycle], Mucha Museum, Prague, 1898
En parallèle de la Belle Époque se développe un courant très différent : l’Art Nouveau. En cette période de Révolution Industrielle, les artistes de ce mouvement aussi bref qu’intense vont unir leurs forces en réaction au classicisme ambiant. On trouve les prémices de l’Art Nouveau dans le mouvement anglais Arts & Crafts incarné par John Ruskin et William Morris. Face à l’industrialisation de la fin du XIXe et aux balbutiements de la production en série inondant le marché, ils vont prôner un retour à l’artisanat, puisant leur inspiration dans le Moyen-Âge.
L’une des particularités de l'Arts & Crafts, que l’on retrouve dans l’Art Nouveau est qu’il s’agit d’un art total. Depuis l’Antiquité il existe une sorte de classification des arts personnifiés par les neuf Muses, même si la notion d’artiste dans son acception actuelle apparaît plutôt à la Renaissance. C’est dans cette lignée que l’on distingue les « arts majeurs », ou Beaux-Arts, par exemple l’architecture et la peinture (c’est pourquoi on parle de 7e art concernant le cinéma) des « arts mineurs » ou arts appliqués, ou enfin arts décoratifs – à savoir ayant une vocation utilitaire : la tapisserie, la joaillerie, la céramique par exemple. Cette catégorisation a la peau dure, elle est encore assez présente en tout cas en France. Toujours est-il que tant pour le mouvement Arts & Crafts que celui de l’Art Nouveau les frontières entre les Arts et les Arts décoratifs deviennent poreuses, c’est pourquoi on parle d’art total. Par exemple, le peintre Alfons Mucha touchera aussi largement aux Arts Décoratifs en dessinant beaucoup pour la publicité – notamment pour la marque de champagne Moët & Chandon, mais aussi en créant avec Fouquet une ligne de bijoux pour l’actrice Sarah Bernhardt.
Sarah Bernardt via © Pinterest
L’un des points intéressants au sujet de l’Art Nouveau est qu’il s’agit d’un courant de pensée international : outre le mouvement Arts & Crafts en Angleterre, l’Art Nouveau en France donc ; on peut citer le Jugendstil en Allemagne et la Sécession viennoise en Autriche par exemple partageant les mêmes préoccupations.
Mais revenons à Paris, et au bijou. Le 26 décembre 1895, le marchand d’art et d’objet orientaux Samuel Bing inaugure sa galerie appelée «La Maison de l’Art Nouveau» à laquelle le mouvement empruntera son nom. Qualifié de «style nouille» par ses détracteurs, l’Art Nouveau se caractérise par l’influence de la nature et l’emploi de formes hyper organiques. Les artistes puisent leur inspiration dans la faune, en particulier les insectes, et la flore. La seconde grande source d’inspiration est la Femme et sa longue chevelure prétexte à d’interminables circonvolutions. En résulte aussi des créatures fantastiques, femmes-libellules ou papillons par exemple.
René Lalique, Femme libellule [ornement de corsage], Or, émail, chrysoprase, diamants et pierres de lune, Museu Calouste Gulbenkian, Lisbonne, 1897-1898
L’Art Nouveau donne naissance à une nouvelle génération de bijoutiers, Lalique et Vever en chefs de file. Pour la première fois depuis des siècles, ceux-ci ne fondent plus la valeur du bijou sur son poids ou sur les matériaux utilisés. En résulte une bijouterie créative et décomplexée mêlant pierres précieuses, pierres fines et dures, verre coloré et matières organiques. C’est aussi la période faste de l’émail travaillé en cloisonné ou en plique-à-jour, à la manière des vitraux des cathédrales, et aussi le chant du cygne des bijoux de tête bientôt délaissés au profit des coupes courtes.
L’Art Nouveau rencontre un succès immédiat et si les artistes s’en détournent dès 1905 les productions commerciales subsistent jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Les parisien-ne-s ont encore la chance d’admirer quotidiennement ces chefs-d’œuvre de l’Art Nouveau que sont les bouches de métro d’Hector Guimard, mais vous pouvez aussi filer à Barcelone vous balader au parc Güell réalisé par l’architecte Antoni Gaudi… Bijoutées par Galerie Pénélope bien sûr !
L’Art Déco – 1920 – 1935
Egigio Scaioni, Mirella, modèle Lucien Lelong, Palais Galliera, Paris, 1927.
L’un d’eux, sinon le mouvement le plus populaire dans le bijou ancien ; sans doute parce que les formes géométriques de ce courant traversent le temps sans vraiment prendre une ride. Et puis les Années Folles, c’est avant tout la libération de la femme ; sujet ô combien actuel s’il en est… Cent ans plus tard, on n’en a pas encore terminé avec les ficelles du patriarcat !
Au sortir de la Première Guerre mondiale, les hommes ayant été mobilisés les femmes ont mis la main à la pâte pour participer à l’effort de guerre et faire bouillir la marmite. Autant dire que la plante-verte-faire-valoir engoncée dans son corset et ses multiples jupons semble bien loin ! La femme s’émancipe et conquiert une liberté gestuelle qui la rapproche de l’homme, facilitée par les jupes raccourcies, les coupes « à la garçonne » et le pantalon. Si on ne doit retenir qu’un nom de couturier, en l’occurrence couturière ; c’est celui de Gabrielle Chanel qui contribuera pour beaucoup au vestiaire androgyne et sera l’une des premières à travailler la maille offrant une souplesse alors inédite. La mode de ces « Années Folles » est l’expression d’une liberté retrouvée, d’une frénésie de mouvement avec les robes à danser le charleston ou les premiers maillots de bain scandaleusement découverts. Elle contient en germe les valeurs appelées à devenir celles du XXe siècle : jeunesse, minceur, mouvement. Les voyages sont facilités par la démocratisation de l’automobile et plus tard les premiers congés payés.
Robert Bonfils, Affiche pour l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs et industriels modernes, 1925.
Paris devient l’épicentre de l’inspiration artistique et d’ailleurs, l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes se déroule dans la ville en 1925. Elle donnera son nom au mouvement « Art Déco ». L’imagerie de ce style, lui aussi touchant toutes les sphères de l’Art, est en rupture avec la culture visuelle des courants précédents : exit les lignes sinueuses de l’Art Nouveau, on fait place nette afin de répondre aux exigences de la vie moderne : simplification des formes, objets nomades ; c’est notamment la période faste des étuis à cigarettes, poudriers et minaudières que l’on emporte avec soi pour aller faire la fête tandis que la montre de poignet se popularise.
Une esthétique en rupture donc, fondée sur la géométrie que l’on retrouve tant dans l’architecture que la mode, en passant par la bijouterie-joaillerie. Dans ce domaine, les tailles de gemmes évoluent aussi : rond, trapèze, rectangle ; autant de formes dont s’inspireront les lapidaires pour créer de nouvelles tailles, par exemple la taille baguette.
C’est aussi dans ces années-là que la maison Van Cleefs & Arpels fait breveter un nouveau serti nommé « serti mystérieux » ou illusion. Le métal est travaillé de sorte à faire croire que les pierres tiennent seules.
Ida Rubinstein et Vaslav Nijinsky, Scheherazade, 1910
Si la géométrie prédomine, les sources d’inspiration de cette période sont nombreuses et variées : Antiquité grecque, Extrême-Orient, Égypte des pharaons impulsé par la découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922, mais aussi l’art africain, un enthousiasme partagée par les artistes Cubistes qui à cette période s’intéressent de près aux Arts Premiers ; et enfin l’esthétique slave véhiculée par la tournée internationale des Ballets russes à partir de 1909. Gabrielle Chanel par exemple, ayant des liens étroits avec l’intelligentsia russe du début du XXe siècle et en particulier avec le compositeur Igor Stravinsky présentera dans les années 20 une collection inspirée du pays de ce dernier.
On retrouve dans la bijouterie Art Déco quelques effluves de la Belle Epoque avec l’utilisation massive du platine mais également les sautoirs en perles, les pompons, la popularité des broches parfois transformables en clips. Les longues boucles d’oreilles en diamants ou imitation sont aussi très à la mode. Elles gagnent en visibilité grâce aux cheveux raccourcis.
D’apparence monochrome, avec une prépondérance de diamants, l’utilisation du cristal de roche, de l’onyx noir et des marcassites ainsi que des perles ; la bijouterie Art Déco sait aussi se parer de couleurs inspirées de l’Orient : outre les gemmes colorées du select club de 4, les pierres fines opaques (turquoise, lapis-lazuli, jade par exemple) ainsi que le corail sont également en vogue.
Pour devenir incollable sur cette période séduisante de l’histoire, rendez-vous sur l’ article qui lui est consacré !
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Continuons notre voyage dans le temps : Les années 40 à 70, c'est ici !