Après avoir palpité au rythme des Jeux olympiques d’Été, le cœur des Français s’apprête à vibrer « sport » de nouveau dès le 28 août avec la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques.
L’occasion pour nous, à l’instar par exemple du Palais Galliera – Musée de la Mode de la Ville de Paris – qui expose actuellement « La mode en mouvement #2 », de vous en dire plus sur le lien entre bijoux et sport.
Couverture du catalogue de l’exposition « Paris, Mode, Sports », Collectif, Paris Musées, 2024.
On évoquera bien sûr la médaille d’or olympique qui Spoiler Alert n’est plus en or massif depuis 1912 et on vous révèlera pourquoi le « bracelet tennis » s’appelle ainsi, sans pour autant prétendre faire le tour du sujet.
Néanmoins on vous parlera aussi émancipation féminine, discrimination capillaire et superstition… non sans quelques digressions. Un « Bijou et sport » façon Galerie Pénélope en somme. Alors, prêt-e-s pour notre tour de piste ? 3,2,1, Partez !
Néo-classicisme au XIXe siècle
Coupe au discobole, Athènes, circa 490 avant J.-C., Terre cuite, Paris, Musée du Louvre.
Les Jeux olympiques dits « modernes » ont lieu pour la première fois à Athènes en 1896. Ils s’inspirent des concours sportifs organisés à Olympie (Péloponnèse) en l’honneur de Zeus, entre différentes cités grecques, tous les quatre ans à partir du VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Célébrant la puissance des Dieux, ces rencontres sportives vont durer jusqu’à la fin du IVe siècle après J.-C., alors que le christianisme est proclamé religion officielle d’État par l’empereur Théodose Ier au détriment du polythéisme traditionnel.
Après avoir été mis en sommeil pendant des siècles, non sans quelques tentatives depuis le XVIIe en Angleterre puis en France, les Jeux olympiques sont donc remis sur le devant de la scène au XIXe siècle.
François-Pascal-Simon Gérard, Madame Bonaparte [Détail], 1811, Rueil-Malmaison, Château Malmaison.
A l’époque, on assiste à un engouement de l’Europe pour l’Antiquité gréco-romaine qui se manifeste dans de nombreux domaines. La mode par exemple : sous le règne de Napoléon Ier apparaît la « robe empire » dont on vous parlait déjà dans notre article sur l’histoire du bijou au XIXe (partie 1). Elle est reconnaissable à sa taille positionnée juste sous la poitrine, son profond décolleté carré et sa couleur claire (le plus souvent blanc).
Le bijou n’est pas en reste puisque l’on retrouve ce vent néo-classique à travers le répertoire graphique utilisé dans l’orfèvrerie d’alors. Notre bijou de tête présenté ci-dessous, inspiré de l’Antiquité grecque, en est un précieux témoin. D’ailleurs, sur la coupe au discobole reproduite plus haut, le cercle entourant l’athlète propose le même style de motif décoratif que notre peigne ancien.
Peigne à cheveux ancien, diadème motif grec
En réalité, si au XIXe elle trouve un nouveau souffle, cette passion européenne pour l’Antiquité prend racine dans l’Histoire de l’Art avec la Renaissance italienne dès le XVe siècle. Les mythes antiques deviennent à l’époque familiers aux élites cultivées.
C’est dans ce contexte que l’un des membres des Médicis, une influente famille de mécènes, commande au peintre Botticelli La Naissance de Vénus (vers 1485) dont on vous parle dans nos articles sur la perle et les bijoux d’Aphrodite. Si dans le dernier on vous raconte comment la représentation de la déesse, alibi intellectuel pour peindre une femme nue, a participé à la construction d’une beauté standardisée, c’est aussi vrai pour la représentation du corps de l’homme.
Mono boucle d'oreille néo-étrusque
Notre discobole en est un bon exemple : muscles saillants, épaules larges, l’athlète possède certains attributs considérés comme ceux de la virilité. L’histoire des « canons » et la recherche de la perfection esthétique commence justement durant l’Antiquité grecque avec Polyclète, qui sera le premier à appréhender la beauté d’un point de vue mathématique. Il propose au Ve siècle avant J.-C un traité des proportions idéales, ayant pour but d’être mis à la disposition de tous les artistes afin de servir le beau. Polyclète illustre ses théories en sculptant Le Doryphore, considéré dans son genre comme un modèle de perfection, ouvrant la voie à l’art nommé classique.
D’après Polyclète, Le Doryphore [copie romaine en marbre], Ier siècle après J.C., Minneapolis, Minneapolis Institute of Art.
Un esprit sain dans un corps sain
Il semble en outre que l’équilibre entre le corps et l’esprit était déjà un enjeu important dans l’Antiquité, comme en témoigne la maxime « Un esprit sain dans un corps sain » (« Mens sana in corpore sano ») attribuée au poète antique romain Juvénal (Ier- début IIè s. de notre ère). Les Grecs prônaient également un équilibre entre santé mentale et physique : les gymnases, où l’on dispensait dès l’Antiquité à la fois des leçons d’athlétisme et de philosophie, en sont la preuve.
[Épinal, concours de gymnastique au Champ de Mars] [Détail], 1880/1945, Carte postale via Limédia galerie [En ligne].
Un état d’esprit qui connaît un nouveau souffle au XIXe siècle, dans un climat d’engouement néo-classique donc, doublé de théories hygiénistes avec notamment l’inscription de l’éducation physique dans les programmes scolaires dès 1869. Dans ce contexte, si la réalité est plus nuancée (avec par exemple à partir de 1835 une initiative du nouvel État grec de recréer les jeux olympiques antiques) l’on attribue à Pierre de Coubertin les Jeux olympiques 2.0, en 1896. Le baron et historien parisien aurait même créé sa propre devise inspirée de celle de Juvénal : « Un esprit fervent dans un corps épanoui » (« Mens fervida in corpore lacertoso »).
Pour citer Pierre de Coubertin, « le véritable héros olympique est […] l’adulte mâle individuel. Les JO doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs ». L’ accession des femmes aux Jeux olympiques modernes, qui étaient d’ailleurs exclues des Jeux antiques, n’a donc pas été instinctive. Si dès 1900 on leur a accordé de concourir pour le tennis et le golf, il faut attendre 1924 pour qu’on leur permette également de prendre part aux épreuves d’athlétisme.
Broche ancienne épée en or 18Kt, écrin d’origine.
Pourtant, au XIXe siècle, sous l’impulsion de l’Angleterre victorienne le sport et les activités de loisirs prennent davantage de place dans le quotidien des gens aisés. Équitation, escrime, chasse à courre, golf, tennis… la pratique, notamment féminine, d’une activité physique se développe dès 1830 dans les milieux de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie.
Et cette tendance dynamique va donner lieu à un nouveau genre de bijouterie : les broches et épingles sportives.
Les broches sportives : un must have de la seconde moitié du XIXe
Broche ancienne fers à cheval or et argent, l’un serti de diamants
Si la mode est née en Angleterre, elle s’est assez vite répandue au-delà des frontières du pays. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, la bijouterie-joaillerie connaît en Europe une période de stagnation. Outre-manche, la reine Victoria a perdu son grand amour Albert de Saxe-Cobourg, mort de la typhoïde en 1861. Et s’il a contribué à populariser les bijoux éponymes, le deuil de la souveraine n’en finit pas.
Pour ce qui concerne la France, en 1870 Napoléon III est chassé du pouvoir tandis que l’on instaure la IIIe République, plutôt hostile à la parade et au luxe.
Deux facteurs qui vont concourir à l’époque à une certaine inertie dans la production de pièces de bijouterie.
Bague ancienne tête de renard en or
Cela va néanmoins être l’occasion d’explorer des pistes jusqu’alors inédites, marquant le goût d’une époque nouvelle : joaillerie présentant des insectes ou animaux, broches à l’effigie des marqueurs de la révolution industrielle comme par exemple les machines à vapeur et motifs inspirés du sport. Clubs de golf, cravaches, étriers, bicyclettes, raquettes de tennis, animaux associés à la chasse (liste non exhaustive) ; autant de motifs déclinés sur des broches, des épingles ou encore des boutons de manchettes.
Des modèles souvent unisexes portés aussi bien par les hommes que par les femmes. Et même plus : si la tendance perdure une cinquantaine d’années (de 1860 à 1910 environ) les broches sportives, portées à l’entour du cou, sont en 1870 un indispensable de la bijouterie de jour des It girls de l’époque.
SPORTING MODELS, mounted in Diamonds in John Benjamin, Starting to collect Antique Jewellery, p. 61
Les années 20 : Folles… de sport !
Plus tard, au XXe siècle, les années 1920-1930 vont marquer un tournant dans la pratique du sport. D’ailleurs, la démocratisation de ce dernier à l’égard des femmes se confirme : on vous a par exemple parlé de l’accession aux épreuves d’athlétisme des Jeux olympiques modernes en 1924.
Cela va de pair avec une émancipation d’ensemble de la femme qui au sortir de la Première Guerre mondiale n’entend plus se conformer aux attentes patriarcales que la société lui imposait jusqu’alors. Si vous souhaitez en savoir plus sur le contexte de l’époque, on vous invite à (re)lire notre article sur les Bijoux au XXe siècle (partie 1) : on y parle bijoux Art Déco, mais pas que !
Solitaire Art Déco Diamant Coussin 1.00 Ct sur Platine
Mouvement et vitesse sont les nouveau leitmotiv tandis que le sport, alors synonyme d’élégance, est omniprésent. L’indépendance de la femme allant de pair avec la libération du corps, la mode va rapidement s’adapter à ce style de vie inédit pour proposer des vêtements plus confortables.
Deux couturiers ont très vite épousé et encouragé cette tendance : Gabrielle Chanel et Jean Patou, à qui l’on attribue l’invention du Sportswear. Proposant un « Coin des sports » dans sa boutique parisienne, Patou habille par ailleurs les joueuses de tennis Suzanne Lenglen et Helen Wills.
Suzanne Lenglen, crédit photo Albert Harlingue / Roger-Viollet, via Paris.fr [En ligne].
Il lance en outre « Lift » en collaboration avec le bijoutier-joaillier Cartier. Il s’agit de l’un des premiers tubes de rouge à lèvres « automatique » à bouton-poussoir à destination de la « Femme « Sport » ».
Jean Patou, Publicité pour Lift, dans le Livret de défilé, été 1931, Paris, Bibliothèque Forney.
JEAN PATOU CARTIER « LIFT, Le rouge à lèvres », Vermeil et argent, strié et laqué de couleur noire, Période 1928 – Lot 87, vendu par Pierre Bergé & Associés.
Les années folles étant synonymes d’une vie plus nomade et plus sportive, c’est à cette époque qu’à l’image du Lift l’on invente des accessoires précieux à emporter avec soi tels que les poudriers, les minaudières ou encore les étuis à cigarettes.
Pour ce qui concerne la bijouterie au sens plus strict, on retrouve cette prépondérance du mouvement dans la démocratisation des montres de poignet mais aussi dans le choix des motifs utilisés. Comme au siècle précédent, le sport continue d’inspirer les joailliers. Ils enrichissent par ailleurs leur répertoire d’avions et d’automobiles devenus depuis la Première guerre des symboles de la vitesse.
La maison Chanel met actuellement en avant son lien étroit avec le sport depuis les années 1920 à travers sa collection Haute Joaillerie Sport. Soulignant l’allure Chanel, elle célèbre la femme en mouvement comme le faisait Gabrielle dans les années folles.
Collier « Graphic line », Chanel Haute Joaillerie Sport, 2024, via le site internet Chanel.
On retrouve par la suite l’influence du sport dans la bijouterie du XXe siècle de manière beaucoup plus sporadique, par exemple dans la bijouterie figurative des années 1940.
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Soyez dans les starting blocks pour la partie 2, en ligne prochainement !