Ce site Web a des limites de navigation. Il est recommandé d'utiliser un navigateur comme Edge, Chrome, Safari ou Firefox.

Prendre rendez-vous au showroom

Noir c'est noir

Après vous avoir tout dit ou presque sur le vert, le rouge, le violet, le bleu, le blanc, le rose, le jaune et enfin le orange, on clôt notre cycle avec la plus sombre des couleurs.

 

 

 Boucles d'oreilles pendantes anciennes en or et jais

 

  

Le noir, vraiment ? Si spontanément un article sur le sujet peut interpeler, vous découvrirez bientôt qu’il y a beaucoup à dire. Y compris concernant ce qui nous intéresse tou-te-s en premier lieu : la bijouterie. Et pour le prouver, voici une liste non-exhaustive des gemmes noires les plus couramment utilisées en joaillerie : agate, corail, corozo (ivoire végétal), diamant noir, jais, hématite, marcassite, pyrite, obsidienne, onyx, opale noire, perle de Tahiti, tourmaline Schorl, pléonaste (spinelle noir).

 

Il s’agirait de la couleur préférée de 10% des Hommes et 10% des Femmes. A l’inverse du rose, qui s’apprécie de plus en plus à mesure que l’on vieillit tous sexes confondus, plus nos cheveux blanchissent et moins l’on aime le noir. Vous le saviez ? Au-delà du fait qu’il trahirait davantage l’âge que les autres couleurs, cela vient surtout du fait que selon la génération on ne met pas le même concept derrière le noir. Dans les grandes lignes : les jeunes l’associent au luxe tandis que les personnes d’âge mûr le rattachent principalement à la mort.

 

Et donc, le noir, symbole de déliquescence ou comble du chic ? Les deux sans aucun doute.

  

 

Coupe [Détail], Thésée et le Minotaure, 3e quart VIe avant J.-C., Paris, Musée du Louvre.

 

 

La couleur étant liée dans l’imaginaire collectif aux ténèbres, au malheur, à la mort ; d’instinct on aurait plutôt tendance à songer aux aspects négatifs du noir. Un exemple de la mythologie grecque (notre énième passion chez Galerie Pénélope) qui illustre bien cela est l’histoire de Thésée et Egée. Promis, on vous la fait courte : Thésée, fils illégitime d’Egée, roi d’Athènes, décida un jour d’aller tuer le Minotaure. Egée, jugeant cette entreprise kamikaze, pria sa progéniture de hisser une voile blanche en cas de retour victorieux. Le Minotaure était un être mi-Homme mi-animal, fruit des amours de Pasiphaé avec un taureau – encore une sombre histoire de vengeance dont on vous passe les détails – enfermé dans un labyrinthe qui se nourrissait régulièrement de chair fraîche athénienne.

Thésée arriva à ses fins grâce à l’ingéniosité d’Ariane, la fille du roi Minos (le rival d’Egée), qui non-contente de lui donner le glaive pour tuer le Minotaure lui fournit  une pelote de fil grâce à laquelle il parvint à sortir du labyrinthe. Le deal était d’épouser la jeune femme puisqu’elle avait trahi sa famille par amour. Mais le mariage, très peu pour Thésée qui préféra endormir Ariane et l’abandonner seule sur une île sur le chemin du retour.  

Et le noir, dans tout ça ? On y vient : notre héros (toutes choses égales par ailleurs) étourdi oublia sa promesse et lorsqu’Egée aperçut la flotte avec une voile noire, il crut que son fils était mort et se jeta dans la mer qui porte désormais son nom. Fin de l’histoire (qui n’a donc aucune morale).

 

Si l’on regardait maintenant l’autre versant du noir qu’est l’élégance ? Plongeons pour cela dans l’histoire de la mode.

Le saviez-vous ? Le noir chic est un legs du noir princier de la Renaissance.

 

 

Quentin Metsys, Elisabeth Tudor, 1583, Sienne, Pinacoteca Nazionale.

 

 

Comme le vert, le noir était une couleur difficile à fabriquer, instable et donc onéreuse et réservée à une certaine élite. On le répète souvent dans nos articles, mais l’Histoire de l’Art, celle des Arts Décoratifs ou encore de la Mode est intimement liée à l’Histoire avec un grand H. Cela est encore vrai pour le goût du noir à la Renaissance.

A l’époque, pas de Fashion Week, la tendance était dictée par les différentes Cours.  Et au XVIe siècle, la Cour européenne qui rayonnait le plus était l’empire espagnol de Charles Quint, où l’on s’habillait de vêtements noirs surmontés par une fraise. Un costume adopté par la reine d’Angleterre Elisabeth Ière comme en témoigne le portrait de Quentin Metsys présenté ci-dessus. Comme par enchantement, la mode du noir s’étiola au moment du déclin de l’empire espagnol.

 

 


 

 

Memento mori

  

 Pendentif médaillon ancien religieux en or, onyx, diamants et émail

 

 

 

Le noir est aussi, dans l’habillement, souvent synonyme de pondération. Dès la fin du XIVe siècle, la Réforme condamne les couleurs vives et « professe une éthique de l’austère et du sombre » pour citer Michel Pastoureau dans l’ouvrage Les couleurs expliquées en images. Dans l’histoire du costume, les hommes vont petit à petit délaisser les couleurs au profit de vêtements foncés et austères. Laissant aux femmes, non sans misogynie, la frivolité des atours colorés (on en parlait déjà dans notre article sur le rose).

Couleur des robes d’avocat, des tenues des prêtres et des arbitres, le noir est aujourd’hui encore une couleur sérieuse. N’attirant pas l’œil dans l’imaginaire collectif, il permettrait de recentrer l’attention sur la personnalité. Pour preuve, Steve Jobs en avait même fait un élément de sa stratégie marketing. Le co-fondateur d’Apple portait inlassablement le même haut noir à col cheminée lors de ses interventions en public. En substance, cela permettait que son audience se concentre sur le message et non sur le messager. Un vêtement soi-dit en passant conçu par Issey Miyake : quitte à porter un uniforme, autant faire appel à un couturier !

 

Si le noir est ainsi rattaché à la valeur intérieure, les couleurs par opposition sont liées à la vanité. Un thème qui intéresse particulièrement les artistes et artisans du XVIIe siècle.

 

  

Adrian Van Utrecht, Still-life with a Bouquet and a Skull [Nature-morte au bouquet et crâne], circa 1642, Collection privée.

 

 

A cette période, agitation politique, longues guerres et épidémies ponctuelles de peste ne concourent guère à améliorer l’espérance de vie. La vanité en peinture est une représentation allégorique de la brièveté de la vie humaine. Mais attention : contrairement à ce que l’on pourrait penser, les vanités, ça n’est pas YOLO (You Only Live Once – On ne vit qu’une fois –  ou Carpe Diem pour la génération du Cercle des Poètes Disparus) : c’est même l’inverse. Elles visent en effet à représenter la fatuité de ce à quoi s’attache l’Homme durant sa courte vie. Un encouragement à se défaire des plaisirs terrestres et devenir plus vertueux afin de gagner sa place au Paradis. On reconnaît une vanité aux éléments qui composent la nature-morte : souvent des fleurs et des bijoux représentant les bonheurs éphémères ainsi qu’un ou plusieurs marqueurs du temps qui passe tels le sablier, le cercueil ou plus couramment le crâne. On retrouve ces « memento mori » (littéralement « souviens-toi que tu vas mourir ») ornant des bijoux commémoratifs personnels à l’image de l’étonnante bague ci-dessous conservée au Victoria & Albert Museum de Londres.

 

 

Bague de deuil, fin XVIIe, émail, diamants sur or et argent, Londres, V&A Museum.

 

Mais si l’on doit retenir une période de l’Histoire marquant l’apothéose de la mode du deuil, c’est sans conteste le XIXe siècle.

 

 

 

 

Le total-look deuil

 

L’on s’aperçoit en regardant l’histoire du costume qu’on a souvent tenté de légiférer sur le vêtement, et les habits de deuil ne font pas exception. Si chez les Romains ces derniers étaient déjà couleur de cendre, jusqu’à la première moitié du XXe siècle des conventions strictes régissaient ce qu’une personne pouvait porter de la mort d’un proche jusqu’à épuisement présumé de son chagrin (à titre d’exemple, deux ans dans le cas d’un époux). Les survivant-e-s étaient ainsi tenu-e-s de « porter le deuil », c’est-à-dire s’habiller uniquement de noir, puis le demi-deuil durant lequel le gris et le lavande étaient autorisés.

 

 

 

Franz-Xaver Winterhalter, Portrait de la reine Marie-Christine de Bourbon, reine d’Espagne, 1841, Rueil-Malmaison, Musée national de Malmaison [Dépôt du Musée de Versailles].

 

 

 

Concernant les bijoux de deuil, on a coutume d’attribuer leur popularisation à la Reine Victoria qui pleura son adoré Albert durant 25 ans à partir de 1861. Bien sûr, l’influence de Victoria sur la bijouterie-joaillerie de son époque n’est plus à démontrer. Elle est aussi incontestable pour ce qui est des bijoux de deuil, puisqu’à la mort d’Albert seul le jais était autorisé à la Cour. Il convient cependant d’y apporter un peu de nuance : en Angleterre comme en France, le culte du deuil commence dès le début du XIXe.

 

 

 

 Pendentif médaillon ancien en or, émail noir, perle fine, diamants

 

 

 

Mais si vous avez fait vos devoirs de vacances, vous le savez déjà ! Dans notre article sur le Péridot, on vous conseillait d’emmener à la plage l’œuvre en trois tomes d’Henri Vever constituant une véritable Bible de la bijouterie au XIXe siècle. Dans le tome 1 Vever explique que dès les années 1820, conséquence de l’assassinat du duc de Berry puis de la mort de Louis XVIII le bijou de deuil est déjà « tout à fait à la mode » :

 

« C’est une fureur que les bijoux noirs : le jais, le fer et toutes les compositions noires s’emploient dans toutes les formes. Chaque boutique de nos bijoutiers semble être une boutique consacrée au deuil. On y voit des colliers en camée noir, ou des chaînes croisées dans tous les sens, ou des perles formant dix tours sur la poitrine, puis les sévignés, les épingles, les lorgnons, les chaînes de montre, les bracelets, les peignes, les bagues, enfin tout se trouve. »

 

 

Peigne, circa 1820, Londres, Victoria & Albert Museum

 

 

La première moitié du XIXe siècle est aussi la période phare des bijoux en fer de Berlin. Vous connaissez l’histoire ? La Fabrique Royale de Berlin ouvrit en 1804. Il s’agissait de la première maison à proposer des bijoux en fer d’inspiration néoclassique et néogothique, des thèmes que l’on retrouve également sur les pièces en or de la même époque. En 1806, Napoléon Ier qui a conquis la capitale allemande fit main basse sur les moules et commença en France la production de bijoux en fer.

Les bijoux en fer « de Berlin » sont surtout renommés car autour de 1813-15, alors que Napoléon étendait son empire l’Allemagne se retrouva dans une situation financière délicate. Le gouvernement demanda alors à ses citoyens d’échanger leurs biens en or contre des bijoux en fer afin de participer à l’effort de guerre. Un geste synonyme de patriotisme et de loyauté récompensé par la mention « J’ai donné de l’or pour du fer » ou « donné pour le salut de la mère-patrie » gravée sur les bijoux. Il semblerait que pas moins de 160 000 bagues aient alors été échangées. La vogue des bijoux en fer perdura jusqu’aux années 1830.

 

 

 

 Vinaigrette or, flacon à sels, noix de corozo

 

 

Il faut bien se l’avouer : les bijoux de deuil, ce fut une véritable industrie ! Peut-être aussi parce que l’espérance de vie au XIXe siècle était d’environ quarante ans, soit la moitié de celle d’aujourd’hui. Le bijou de deuil le plus populaire reste la bague, et d’ailleurs, durant la seconde moitié du XIXe, il était de coutume de laisser dans son testament une petite provision destinée à faire fabriquer des bagues de deuil à distribuer à la famille et aux amis proches. Vous le saviez ?

A noter, l’utilisation sur les bijoux de deuil d’émail blanc quand il s’agissait d’enfants ou de personnes non mariées. A l’image, peut-être, de notre pendentif breloque ci-dessous.

 

 

 

 Breloque cœur ancien or, émail et diamants

 

 

Ce dernier possède au dos un compartiment pour y loger une mèche de cheveux. A la frontière entre bijoux de deuil et bijoux de sentiment, les bijoux en cheveux sont un autre indispensable de la bijouterie du XIXe siècle. Souvent, les cheveux sont enfermés dans un compartiment en cristal ou en verre, mais on trouve aussi des exemples où le cheveu tressé constitue, à l’exception de précieux fermoirs, le matériau du bijou. Si le sujet des bijoux organiques vous intéresse, on vous renvoie à notre journal.

Parmi les gemmes de prédilection pour les bijoux de deuil, outre le jais et ses succédanés, citons aussi les perles symbolisant les larmes du survivant ou encore les turquoises mises en forme de myosotis qui dans le langage des fleurs signifie « ne m’oubliez pas ».

 

 

 

 Bague fleur ancienne turquoises et diamant

 

 

 

Pour ce qui est du métal, l’utilisation de l’or brillant était parfois jugé déplacé et délaissé au profit d’alliages non précieux comme le « similor » ou la dorure.

La Première Guerre mondiale au début du XXe siècle éteindra définitivement le goût pour l’étalage du deuil devenu alors quelque peu vulgaire.

 

 

 

 

La petite robe noire

 

Aujourd’hui, loin des habits de deuil mais pouvant faire le job en cas d’enterrement, on trouve une « petite robe noire » dans presque tous les dressings. Elle est au vestiaire féminin ce que le diamant est à la joaillerie : un intemporel qui se marie avec tout.

Le saviez-vous ? En 1926, Gabrielle Chanel créé la robe « Ford », considérée comme la première « petite robe noire ».  Son succès est immédiat.

Les gemmes noires, en particulier l’onyx, étaient aussi très prisées au moment de l’Art Déco en raison de leur couleur contrastant avec les montures en platine et les diamants auxquels elles étaient souvent associées. Un thème déjà abordé dans notre article sur l’Histoire du Bijou au XXe siècle  - partie 1 et possédant également sa propre entrée dans notre journal. Il faut dire que l’Art Déco est l’un des mouvements le plus rétrospectivement sexy du bijou ancien et pour cause : ses lignes géométriques continuent de traverser le temps sans vraiment prendre une ride. A l’époque, les saphirs bleu nuit issus de roches basaltiques étaient également très recherchés pour les mêmes raisons que les gemmes noires.

 

 

 

 Bague Art Déco Saphir entourage diamants

 

 

Mais revenons à la mode : il faudra attendre 1943 et la robe d’après-midi appelée « Petit profit » de Pierre Balmain, alors employé de Lucien Lelong (Balmain ouvrira sa maison de couture éponyme en 1945), pour que la « petite robe noire » devienne un basique de la garde-robe féminine.

Si elle traverse les époques sans cesser de se renouveler, la « petite robe noire » est au pinacle de sa gloire dans les années 1960 portée par les actrices de la Nouvelle Vague, un mouvement cinématographique français (par exemple Jeanne Moreau), ou encore par Jackie Kennedy aux Etats-Unis.

On retrouve entre la robe et la symbolique de la couleur noire des caractéristiques communes déjà évoquées plus haut de sérieux et d’austérité… Enfin, pas toujours ! Connaissez-vous la « revenge dress » (robe de revanche) ? Mais si, c’est LA robe que vous avez portée un jour pour faire bisquer votre ex.

 

 

 

 Boucles d'oreilles anciennes en or rose et boules de jais facettées

 

 

Un concept qui semble avoir vu le jour grâce à Diana Spencer. Le 29 juin 1994, un documentaire consacré aux 25 ans de l’intronisation du Prince Charles fut diffusé à la télévision britannique. L’actuel roi d’Angleterre y avouait à mot couvert sa relation adultérine avec Camilla Parker-Bowles. Charles et Diana étaient alors séparés depuis deux ans mais le divorce n’avait pas encore été prononcé. Le soir même, la princesse de Galles avait été invitée à la Serpentine Gallery à l’occasion d’un évènement caritatif organisé par Vanity Fair. Elle débarqua dans une robe fourreau dévoilant ses épaules et son décolleté et échancrée à mi-cuisse. Autant vous dire, pas tout à fait au goût de la monarchie britannique ! La « revenge dress » était née.

De surcroît, la teinte sombre de la robe contrastait particulièrement avec le ras-de-cou en perles orné d’un fermoir probablement en saphir et dans le pur goût Belle Époque, exactement comme dans le tableau de Boldini ci-dessous.

 

 

Giovanni Boldini, Madame Pages en robe du soir [Détail], 1912, Collection privée.

 

 

 

Mythologie, Princes et princesses, Histoire de l’Art, Histoire de la Mode… Si malgré cela on n’était pas parvenues à vous faire aimer les gemmes noires, on a deux bonne nouvelles.

La première, c’est qu’à force de lire nos articles l’Histoire du Bijou n’aura plus de secrets pour vous. Et la seconde… c’est qu’absolument tous nos bijoux anciens se marient parfaitement avec la petite robe noire de votre dressing ! Alors, merci qui ?

Panier

Plus de produits disponibles à l'achat

Votre panier est vide.